Mon stage de BTS CI en Norvège : trois mois au bout du monde qui ont tout changé
Honnêtement, si on m’avait demandé il y a un an où j’imaginais faire mon stage de BTS Commerce International, jamais je n’aurais répondu « en Norvège ». Vraiment jamais. Je voyais mes camarades postuler pour des stages en Espagne, en Irlande, au Portugal… des pays où l’on s’attend à trouver des entreprises habituées à prendre des stagiaires internationaux, où le climat est plus doux, où la langue est plus simple à aborder. Et puis moi, je suis parti pour Oslo. Va comprendre.
Tout est parti un peu sur un coup de tête. Mon école nous avait parlé des destinations possibles et, en bout de liste, il y avait « Norvège ». C’était presque glissé là par hasard, comme une option exotique pour les plus aventureux. Et bizarrement, c’est justement ça qui m’a attiré. L’idée de faire quelque chose de différent, de sortir complètement de ma zone de confort. Je me suis dit qu’une expérience comme celle-là me ferait vraiment grandir. Et puis, entre nous, quand tu dis à un recruteur que tu as fait ton stage en Norvège, ça attire toujours la curiosité.
J’ai commencé à envoyer des candidatures un peu au hasard, sans trop savoir à quoi m’attendre. Les premières réponses sont arrivées assez rapidement. C’est d’ailleurs ça qui m’a surpris : les Norvégiens répondent. Même pour refuser, ils prennent le temps d’écrire un mail courtois. Finalement, après deux entretiens visio en anglais — où je me suis trouvé bien moins à l’aise que prévu —, une entreprise de logistique maritime m’a proposé un poste. Trois mois à Oslo, dès janvier.
Le départ a été à la fois exaltant et terrifiant. J’avais lu sur les forums que la Norvège était chère, très chère même, et que l’hiver là-bas n’avait rien à voir avec les petits hivers français. Mais j’étais prêt. Enfin, c’est ce que je croyais.
L’arrivée à Oslo m’a immédiatement dépaysé. Dès la sortie de l’avion, l’air froid m’a saisi au visage. Ce n’était pas un froid agressif comme je l’imaginais, mais un froid sec, propre presque. Tout autour de moi semblait organisé, silencieux, fluide. Même les taxis roulaient calmement, les gens ne parlaient pas fort. C’était une autre ambiance, une autre cadence.
J’avais trouvé une colocation via un groupe Facebook d’expatriés. Un petit appartement partagé avec deux autres étudiants : un Allemand et une Finlandaise. On s’est tout de suite bien entendus. Nos premières soirées consistaient souvent à improviser des repas simples, à parler de nos pays respectifs, de nos galères administratives, et à tenter de décrypter les habitudes norvégiennes. Très vite, cette coloc est devenue ma petite famille sur place. Je ne sais pas comment j’aurais tenu sans eux.
Mon premier jour de travail reste gravé. J’avais mis ma chemise et mes chaussures bien cirées, histoire de faire bonne impression. Mon tuteur, lui, m’a accueilli en pull et baskets. Très vite, il m’a mis à l’aise : ici, pas de formalisme exagéré. On m’a présenté à l’équipe en quelques minutes, et directement confié des dossiers. Pas de longues semaines d’observation à regarder les autres travailler. Ici, tu fais. Et si tu fais mal, on corrige, mais on ne te juge pas. J’ai beaucoup aimé cette approche.
Mes tâches étaient très concrètes : recherches de nouveaux prospects internationaux, actualisation de bases de données clients, échanges par mail et parfois par téléphone avec des partenaires étrangers. La première fois que j’ai décroché mon téléphone pour parler à un fournisseur en anglais, j’ai eu le cœur qui battait à cent à l’heure. Je tremblais presque. Mais le correspondant, très patient, m’a vite mis à l’aise. Ce genre de moments t’apprend bien plus vite qu’une salle de classe.
Ce qui m’a frappé très rapidement, c’est la gestion du temps de travail. Les journées commencent tôt, souvent avant 8h, mais à 16h, tout le monde est parti. Personne ne reste pour « faire des heures » comme en France. Le travail est fait pendant le créneau prévu, et ensuite, la vie privée reprend ses droits. Les Norvégiens ont une vraie culture de l’équilibre. Le boulot, c’est important, mais ça ne doit pas empiéter sur le reste.
Les pauses café — les fameuses kaffepauses — sont sacrées. Plusieurs fois par jour, tout le monde lâche son ordinateur, on se retrouve autour de la machine à café, on discute de la météo (évidemment), de la randonnée du week-end, du match de ski de fond de la veille. Ces moments m’ont beaucoup aidé à intégrer l’équipe. Petit à petit, je suis devenu plus à l’aise à l’oral, à oser participer aux conversations.
Le coût de la vie, comme prévu, était élevé. Chaque passage au supermarché devenait un petit défi financier. Les fruits et légumes frais coûtaient une fortune. Je suis devenu un spécialiste des promos et des repas simples : beaucoup de pâtes, de riz, de conserves. Les sorties au restaurant étaient rares et réservées aux occasions spéciales. Heureusement, mes colocs partageaient les frais, et on s’organisait souvent des dîners maison.
En dehors du travail, j’ai découvert un mode de vie complètement différent. Les Norvégiens vivent dehors. Même par -10°, les gens sortent marcher, courir, skier. Le week-end, j’accompagnais souvent mes collègues ou mes colocs faire des randonnées autour d’Oslo. Sognsvann, Frognerseteren, Holmenkollen… Chaque coin avait son charme. Marcher dans la neige, entouré de sapins recouverts de blanc, sans un bruit hormis le craquement de la neige sous les chaussures, c’est une expérience presque méditative.
Un samedi, mes collègues m’ont emmené faire du ski de fond. Je n’en avais jamais fait. J’ai passé plus de temps à tomber qu’à avancer. Mais tout le monde rigolait, m’encourageait, m’aidait à me relever. C’est aussi dans ces moments-là que j’ai compris la mentalité norvégienne : on ne juge pas celui qui débute. On l’accompagne.
Je me rappelle aussi de ces soirées tranquilles à la coloc, après nos journées bien remplies. On se posait avec une bière (chère, évidemment), on jouait aux cartes, on discutait de nos stages, de nos pays respectifs, de nos plans pour le week-end suivant. Ces moments simples ont créé des liens très forts. On venait tous de cultures différentes, mais on partageait la même aventure.
Vers la mi-stage, je me sentais beaucoup plus confiant. Je gérais mes dossiers sans stress, je participais aux réunions, je proposais même quelques idées à mon responsable. J’avais dépassé cette peur de faire des erreurs. J’avais compris que l’important, c’était d’essayer. Les Norvégiens valorisent l’initiative, même imparfaite.
Je me suis aussi accordé quelques escapades hors d’Oslo. Bergen d’abord. J’y suis allé en train, traversant des paysages à couper le souffle : montagnes enneigées, lacs gelés, petits villages isolés. Bergen m’a charmé avec ses maisons en bois colorées, son port actif malgré la pluie persistante. Là-bas, j’ai rencontré d’autres stagiaires français. On a passé la soirée à échanger sur nos expériences autour de plats de poisson et de discussions à rallonge.
Puis Trondheim, ville étudiante et innovante. J’y ai retrouvé un camarade de BTS qui travaillait dans une start-up. On a passé un week-end à déambuler dans les rues, à visiter la cathédrale, à boire des cafés dans de petits salons cosy en parlant de notre avenir, de nos envies, de nos doutes. Ces échanges m’ont beaucoup rassuré. J’ai compris qu’on partageait tous des hauts et des bas, qu’on était tous confrontés aux mêmes remises en question.
Il y a eu aussi les moments plus difficiles. Les journées d’hiver où la nuit tombait à 15h30 pesaient parfois sur le moral. Il m’est arrivé de ressentir un certain isolement, une nostalgie de ma famille, de mes amis en France. Mais ces moments m’ont aussi appris la résilience. Et heureusement, mes colocs, mes collègues et les activités extérieures m’ont toujours aidé à rebondir.
Le dernier mois est passé à une vitesse folle. Plus la fin approchait, plus j’avais le sentiment de vouloir profiter de chaque instant. Les dernières randonnées, les derniers cafés au bord du fjord, les derniers dîners improvisés à la coloc. Quand est arrivé le jour du départ, l’émotion était forte. J’avais l’impression de quitter une seconde maison.
Aujourd’hui, plusieurs mois après, je réalise à quel point cette expérience m’a transformé. Professionnellement bien sûr : mon CV a pris une belle valeur ajoutée, les recruteurs sont toujours curieux quand je parle de la Norvège. Mais surtout humainement. J’ai gagné en autonomie, en confiance, en capacité d’adaptation. J’ai appris à travailler dans un environnement multiculturel, à surmonter des obstacles seuls, à me créer un équilibre loin de mes repères habituels.
Si je devais donner un conseil à ceux qui hésitent encore à tenter l’expérience de partir en stage en Norvège : foncez. Ce ne sera pas toujours simple, il y aura des moments de doute, mais chaque jour là-bas vous fera grandir. Et un jour, comme moi, vous repenserez à ces paysages immenses, à ces soirées simples mais sincères, à ces petits moments imprévus, et vous saurez que cette parenthèse nordique a marqué un tournant dans votre vie.